lundi 9 octobre 2017

[avis] Motel Lorraine de Brigitte Pilote




Nous sommes en 1977, Sonia fuit Montréal avec ses deux filles Georgia et Lou (Louisiane), destination Memphis ; c’est le destin qui en a décidé, Sonia est diseuse de bonne aventure. 
La seule chambre libre dans la ville qui célèbre bientôt le carnaval du coton est la chambre 306 du motel Lorraine. La chambre où Martin Luther King a été assassiné en 1968.
Brigitte Pilotte nous présente une galerie de personnages qui gravitent de près ou loin autour de ce motel en nous relatant la vie et les aspirations de Lou et Georgia.
Lou l’aînée, la rebelle, qui rêve de strass et paillettes, elle s’est mise en tête de faire carrière dans le mannequinat.
Géorgia, la cadette, qui rêve d’intégrer la chorale de l’église Brown Chapel Church et, pourquoi pas, une carrière dans la chanson.
Toutes deux vont rencontrer et croiser des habitants de cette ville qui peinent à se remettre du drame qui s’est joué près de 10 ans plus tôt, époque de la ségrégation raciale.

La couverture est trompeuse, ce n’est pas un roman d’évasion, d’amour ou d’action, je le classerais plus tôt de roman noir.

Intelligemment et originalement construit de par sa narration, l’auteure nous présente un tas de personnages cabossés par la vie.
Des protagonistes admirablement construits, très réels de par leurs faiblesses, ce ne sont pas des êtres parfaits, ils ont leurs défauts, des êtres humains qui s’échinent à sortir de leur condition ou qui essaient d’aider les autres.
De plus, l’auteure transmet un joli message à travers ses mots, à aucun moment vous ne savez directement si le personnage est « blanc » ou « noir » une manière de dire, à mon avis, que peu importe la culture, le milieu, riche ou pauvre ; tout le monde a des soucis. 
Des erreurs du passé qu’ils voudraient oublier.
Le seul personnage qui brille dans Memphis c’est Georgia, Georgia veut faire plaisir à tout le monde, à sa mère en premier, mais aussi à Miss Grace Depriest, la dirigeante de la chorale. À travers elle brille l’optimisme.
Ainsi vous rencontrerez Jacqueline, la femme de ménage du Motel ; Lonzie, photographe pour Aaron Eagle qui lui a donné du travail à son studio après sa sortie de prison ; Alabama, la soliste de la chorale ; Sonia, la mère des 2 héroïnes, etc.
Vous avez ici les principaux intervenants, ceux à qui Brigitte Pilote choisit de donner voix.

Comme je le dis plus haut ce roman est original par son schéma narratif peu commun ; il pourrait déstabiliser le lecteur pour ce qui est de mon avis, j’étais tellement avide de comprendre ce qui reliait toutes ces personnes, la trame que l’auteure me présentait, que cela ne m’a pas dérangée ; peu commun, car nous faisons des bons temporels dans le passé nous permettant de comprendre les erreurs des protagonistes, mais ce qui est, je pense, le plus perturbant c’est que certains chapitres sont écrits à la 3e personne d’autres à la première. 
Tous les personnages ont leur chapitre, l’auteure l’indique en titre.
Plus on avance dans le roman, plus on comprend que la trame tend vers le carnaval du coton et le récital de la Pentecôte à l’église Brown Chapel Church, comment ces 2 événements vont influer sur l’avenir de Lou et Georgia, mais aussi sur les autres protagonistes rencontrés.
La fin du roman permet de comprendre les fautes commises, avant cela l’auteure ne vous dévoile rien.

Un roman qui rappelle la cause esclavagiste du sud des États-Unis, la cruauté qui sévissait dans les champs de coton et dont les descendants libres maintenant essaient de leur rendre hommage ou à l’inverse les descendants des riches planteurs essaient de redorer leur blason.

Roman polyphonique qui pourra séduire pour sa narration et ses personnages aux destins liés de près ou de loin ou qui, au contraire, le lecteur ne s’attachera pas s’il s’attend à voir traiter l’assassinat de Martin Luther King en profondeur. 
L’auteure, ici, survole beaucoup de thèmes, ce sont les personnages qui sont les intrigues, beaucoup de faits sont abordés, mais pas traités en long et en large.
Des passages dramatiques sont abordés avec beaucoup de délicatesse, j’ai été saisie par certaines des erreurs commises par les personnages.


Pour moi cela a été une très belle lecture, atypique certes, mais que j’ai apprécié. 

Motel Loraine de Brigitte Pilote - roman noir, roman contemporain - 240 pages, 17,95€ - Édition Michel Lafon, 7 septembre 2017

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