Une part de ciel
De Claudie Gallay
Roman
448 pages, 22€
Actes Sud, 21 août 2013
De retour pour quelques semaines dans sa vallée natale qui s’enfonce
dans l’hiver, une femme redécouvre les non-dits du lien familial et la part
d’absolu que chacun peut mettre en partage. Un roman de l’attente et des
possibles, illuminé par la plume intense et intime de l’auteur des Déferlantes.
Début décembre, Carole retourne dans son village natal, le
Val-des-seuls, un bourg isolé dans le massif de la Vanoise.
Elle y retrouve son frère Philippe, garde forestier et sa sœur, Gaby,
qui attend le retour de son compagnon, pour l’instant en prison. Ils ont tous
reçu le signe que leur père, Curtil, va revenir : une boule à neige ; un envoi
qu’il fait à sa famille chaque fois qu’il est de retour après une longue
absence.
J’ai reçu ce roman dans le cadre des matchs de la rentrée organisés par
Pricemister, un roman de Claudie Gallay paru en août. Je précise sa date de
sortie car, pour ma part, je pense que j’aurais davantage apprécié ma lecture
si j’avais pu le lire au coin du feu, un soir de décembre.
Pourquoi ? L’auteure a un véritable génie pour rendre par son écriture
l’atmosphère de son roman, ici un village enneigé en Savoie.
En lisant ce livre, j’avais l’impression de sentir le froid tomber sur
mes épaules, d’entendre le bruit de mes pas étouffé par la neige fraîchement
tombée, or, à l’heure où je vous écris cette chronique je n’ai pas encore vu le
moindre flocon.
Je ne peux pas dire qu’il y ait vraiment d’intrigue, mais plutôt un fil
conducteur : l’absence et l’attente qui en découle. L’attente au sens propre,
celle du père, ses enfants ne savent pas quand il va arriver ni s’il va venir,
mais aussi l’attente au sens figuré, les principaux protagonistes sont dans une
certaine expectative ; Carole, la narratrice, la fille qui a fui la vallée pour
la ville, est seule, une séparation et des enfants qui ont grandi et ont quitté
le nid, est dans l’attente d’une nouvelle relation amoureuse ; Gaby, sa sœur,
attend le retour de son conjoint et Philippe, leur frère, lui, attend de
pouvoir réaliser son rêve : baliser le sentier emprunté par Hannibal.
Ce thème de l’attente est omniprésent dans le roman, ce village semble
figé dans la neige, un village d’un autre temps, où le temps d’écoule
lentement, loin des progrès de la ville, où l’idée de faire de leur hameau une
station de ski se heurte à ses habitants peut enclin au profit au détriment de leur tranquillité, leur routine quotidienne.
C’est un point qui m’a fort étonnée dans ce livre, Claudie Gallay,
s’attache à détailler chaque geste du quotidien, des gestes pourtant très
banals ; pendant presque 450 pages, il ne se passe rien d’extraordinaire,
pourtant l’auteure a réussi à me maintenir dans son roman.
Même si j’ai trouvé ce livre long et lent je n’ai pas pu m’empêcher de
le lire jusqu’au bout.
Je me suis sentie, au départ, comme une étrangère dans
ce village, comme si je venais épier les habitants, pour finir je me suis
complètement intégrée à ce hameau, me souciant de l’avenir du Val et de ses
résidents.
Comment ai-je pu m’attacher à ce roman ? Grâce à ses protagonistes, des
personnages qui ont tous leur intérêt, des personnages construits en
profondeur.
Nous rencontrons la Baronne, propriétaire du chenil, nous côtoyons
souvent Sam, le propriétaire du magasin du village, Francky et son bar (ou plutôt
« le bar à Francky, je reviendrai sur le style d’écriture ensuite), Jean le
patron de la scierie, la môme, une jeune fille que Gaby a recueillie, Marius,
Yvon, Diégo et son puzzle, les bûcherons, etc.
Des personnages comme on peut en rencontrer dans tout village, des êtres
un peu bourrus, d’autres sympathiques, les bons vivants, les solitaires, tous
sont attachants, tous sont différents, leur seul point commun c’est
l’attachement profond qu’ils ont pour leur montagne.
Chacun à leur manière contribue à rendre cette atmosphère propre à ce
roman.
Une ambiance difficile à décrire, pas sombre, un peu morose,
mystérieuse, glacée c’est le mot qui convient.
Vous percevez les cimes
enneigées, vous sentez le froid perpétuel, la brume hivernale qui laisse place
à ce soleil des montagnes.
Je n’avais encore jamais lu de roman de l’auteure, je ne connaissais pas
son style, un style d’écriture pas commun, une narration omniprésente, des
phrases très courtes et incisives (Jean est arrivé. Jean a soupiré. Gaby les observait.)
mélangées à des phrases plus complexes, mais avec toujours ces gestes du
quotidien qui reviennent.
Carole, la narratrice, dont nous lisons le roman comme un journal
intime, accomplit ses tâches journalières dans le même ordre, comme un rituel.
C’est par moment déstabilisant, la lecture en est hachée, c’est fluide sans
l’être vraiment. Les mots sont simples, mais choisi avec beaucoup de justesse
pour narrer un regard, un geste, un sentiment.
Une autre chose qui m’a saisie c’est, comme j’en parlais plus haut, ces «
fautes » de préposition (le bar à Francky, le zinc à Francky, le père à
Francky).
Une écriture hachée qui m’a quelque peu agacée, on finit par s’y faire,
mais je regrette que l’on reste parfois des pages entières sur des faits
complètement anodins et qu’on survole les actes importants.
Le moins que l’on puisse dire c’est que Claudie Gallay est soucieuse du
moindre détail, elle dissèque son roman à la loupe, autant dans les faits que
dans les relations entre les différents protagonistes.
La fratrie, en dehors de cette attente du père, cache des blessures profondes,
des non-dits, des secrets de famille qui leur gâchent leur existence, l’absent
ne les aurait-il pas réunis dans ce petit village perdu pour justement les
rapprocher ?
Ne vous attendez pas à des retrouvailles chaleureuses, quand ces
trois-là sont réunis au Val on perçoit la tension ; ils ne se détestent pas,
mais ils ont difficile à montrer qu’ils s’aiment.
Au fil de la lecture, on observe les relations qui évoluent, et ce
jusqu’à la fin du livre, on suit surtout Carole qui se bat contre les échecs de
sa vie tout en essayant de se rapprocher de son frère et de sa sœur qu’elle ne
comprend pas. Il y a aussi cet incendie qui a ravagé leur maison d’enfance et
dont ils ne veulent pas discuter.
Un roman intimiste, plein de sentiments, de tendresse, des morceaux de
vie, des personnages profondément humains et imparfaits, mais qui vont
s’apporter beaucoup et pouvoir, peut-être, permettre de dévoiler « une part de
ciel » dans leur quotidien morose… .
Un roman vraiment différent de ce que je lis, je
n’en lirais pas tous les jours, mais une lecture, au final, très agréable et
que, comme je l’ai déjà dit, je pense, j’aurais plus apprécié en plein hiver au
coin du feu avec une tasse de thé et un plaid sur les genoux.
Je n'ai personnellement pas aimé et c'est dommage...
RépondreSupprimerJe suis en train de le lire, pour le moment, je suis assez mitigée :)
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